Carnet de voyage du 26/03/2018

Aujourd’hui, il a fait très chaud. Mais le temps se rafraichit. Il est 17h30, la nuit va tomber d’ici une heure. Mais la température baisse car un orage gronde au loin. Le ciel s’assombrit prématurément. Pas de quoi se plaindre, c’était une belle journée !

Aujourd’hui, nous avons réussi à passer plusieurs heures auprès d’un groupe de Doucs.

L’habituation a belle et bien commencé.

Comme chaque matin, départ 6h30.

Nous avons décidé de nous concentrer sur un territoire au sud du camp. Nous visons une colonie de Doucs qui y a été souvent repéré.

La grande difficulté que nous rencontrons avec les Doucs, c’est qu’ils vivent en grande colonie. Mais avec un mode de vie que l’on appelle « Fission-Fusion ». C’est-à-dire qu’une colonie est composée de plusieurs groupes qui se séparent et se recomposent.

Alors parfois, on trouve plus d’une quarantaine d’individus évoluant ensemble. D’autre fois, uniquement quelques individus. La tâche est bien moins aisée !

Le travail que je fais ici est vraiment passionnant mais en même temps, extrêmement ardue !

En Centrafrique, j’ai observé et collecté des données sur des groupes de Gorilles sauvages déjà habitué à la présence humaine. Ici, c’est à nous de les habitués.

Pour les habitués, il faut tout d’abord les trouver. Ensuite, il faut réussir à les suivre…

Départ donc 6h30. Nous progressons en silence vers le territoire « hypothétique » de la colonie sur lequel on se focalise. On rejoint le dernier endroit où nous avons perdu les derniers individus observés. Puis nous patrouillons dans le secteur.

La concentration est à son comble ! Pas le temps de rêvasser ! Nous scrutons chaque bruit dans la canopée. Des branches qui vacillent, un fruit qui tombe au sol, une vocalisation qui ne ressemble pas à un chant d’oiseaux. Les oreilles grandes ouverte analysent chaque son ! Très peu de blablas… Des gestes suffisent pour indiquer une position ou une destination. Les yeux grands ouvert eux aussi, souvent collé à nos paires de jumelles, essayent de percer les feuillages des arbres serrés comme des pingouins ! Les narines reniflent l’air à chaque fois qu’une odeur suspecte trahit le passage de nos proies tant convoité.

« Nos proies » … Je n’aime pas le terme, pourtant ce n’est ni plus ni moins qu’une traque !

On chasse !

On enchaine les kilomètres à la recherche de ces primates. Mais ne vous inquiétez pas, lorsqu’on les trouve, il n’y a que la gâchette d’un appareil photo de pressé !

Et mon cœur bien sûr ! Il s’emballe sous l’excitation ! Une joie m’inonde ! Pas seulement par ce que les trouver indique que notre travail progresse mais principalement parce qu’ils sont formidables !

Lorsque j’étais au Pérou, je pensais que les hurleurs roux étaient les plus beaux primates au monde ! J’ai changé d’avis lorsque j’ai découvert les Chimpanzés en Guinée. Très vite détrôné par les Gorilles de Centrafrique ! Je garderais toujours les grands singes en première place tant leur intelligence et leur humanité m’a bouleversé ! Mais pour ce qui est de la beauté, je crois bien que les Doucs à pattes rousses sont finalement les plus beaux primates au monde !

Je pourrais passer des journées entières à les observer ! Mais revenons au concret… Ce n’est pas encore le cas… Ils disparaissent pour l’instant bien plus vite qu’ils ne sont apparus…

Certains d’entre eux nous regarde, surpris et intrigué par notre présence. Puis ils suivent leurs camarades partis sans demander leurs restes.

La traque change alors de tournure. L’idée est de les suivre sans trop les effrayer mais il est important qu’ils aient conscience de notre présence. Qu’ils n’aient justement pas le sentiment que nous les chassons. Nous échangeons délibérément quelques mots « à voix hautes » (pas trop non plus, on n’est pas dans notre salon !). On marque des pauses pour leurs laisser le temps de nous épier à bonnes distance et on espère que nos combinaisons nous démarquent des « autres », des prédateurs (nous portons des dossards rose fluo… Je ne suis vraiment pas fan, ça ne met pas du tout mon teint en valeur…).

Bref ! Quelle mission ! J’adore ça ! Les quelques minutes de vision compensent largement les longues heures de marche infructueuses !

Vous pouvez surement me demander : « pourquoi se donner autant de mal. »

Me dire : « Pourquoi ne pas laisser ces si jolis singes vivre tranquillement. »

Je vous répondrais que je suis vraiment convaincu du bien-fondé de ce projet !

J’aimerais vous dire que l’on vit dans un monde où l’on peut laisser la vie sauvage évoluée dans un milieu inviolé par l’homme. Que l’on peut se contenter d’histoires et de représentations pendant qu’ils survivent à nos mémoires…

Mais ce n’est pas le cas !

Nous vivons dans un monde où leurs habitats disparaissent comme les morales ! Où des espèces s’éteignent aussi vite que les bougies d’un gâteau, soufflé par des enfants ! Où le profit des uns n’a que faire du péril des autres…

Habitué une colonie de Doucs permet de faire savoir aux communautés environnantes qu’on les surveille, qu’on les protège. Et que le monde tourne leurs regards sur eux. Cela met en valeur cette endroit et interpelle les gouvernements sur l’importance de la conservation des patrimoines naturels. Des bénéfices que chacun peut y tirer à travers de l’éco-tourisme.

« Touriste ». Encore un mot que je n’apprécie pas…

Mais nous devons bien passer par là si nous voulons réussir à stopper le train en course. Si nous voulons réussir à sauver la biodiversité avant que tout ne disparaisse.

Wouah ! j’ai plombé l’ambiance !

Aujourd’hui était une belle journée !

Maintenant, un nuage balaye mes convictions…

Je suis trop jeune… Il me reste encore tellement de choses à apprendre.

En attendant, départ 6h30 !

La beauté des Doucs balayerons mes doutes !

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